J'adore quand un plan se déroule sans accroc

Jeudi réunion de planification. On se retrouve, cahier, stylo et volonté en main. Obé sera chef de projet, elle a davantage d’habitude et d’expérience (c’est normal, elle est vachement plus vieille). Pendant quelques heures, nous passons tout en revue : qui, quoi, quand (le quand a été compliqué), bref un cahier des charges digne de ce nom avec plan d’actions dûment établi et expression de besoins quasi intégralement satisfaite bien que ces derniers aient été nombreux, quelquefois contradictoires et surtout variés. Seul petit doute, Cocazéro, Obé et moi nous demandons toutefois si nous n’avons pas un peu débordé et vu trop grand. L’avenir nous le dira. Mise en œuvre prévue samedi (mais comment je bénis cette idée aujourd’hui que je peux me reposer !), synchronisation des montres, meeting point à 14h et demie, chez moi.

14h32 tout pile, je reçois le texto attendu « on est là ». Je saute dans ma voiture récupérer les filles et nous filons chez le distributeur de matière première afin de nous équiper convenablement et suffisamment. On suit la liste (en ajoutant des S et avec une première erreur de relecture qui aurait pu nous coûter un achat en double,), on charge et on part sur le lieu du chantier.

Comme c’est ma première fois, Obélisk a eu la délicate attention de m’offrir un des outils les plus balèzes du marché, j’en ai des frissons (est-ce que je saurai être à la hauteur de cette merveille technologique ? Je me demande si j’ai bien fait de me lancer là-dedans, pi j’ai emmené Pou avec moi, je me disais que la misère serait certainement moins pénible à nous tous.) Je n’ai plus le temps de réfléchir, faut qu’on attaque. Obé sort son calepin, nous expose le plan et là, il ne nous reste plus qu’à nous attacher les cheveux et retrousser nos manches. C’est parti.

Ah mais je me rends compte que je ne vous ai pas encore décrit ledit chantier : aprem cuisine entre nous pour nous concocter un dîner simple et gouteux parce que « si, les filles, vous pouvez le faire ». Objectif : antipasti (courgettes, poivrons, choux fleurs marinés), caviar d’aubergines, tarte chèvre épinards, patates sautées, confit d’oignons, brick aux pommes de terre et au thon, salade de tomates et mozza, tarte aux pommes et gâteaux au chocolat et Nutella.  Ben quoi ? Ouais pour moi, ça ressemblait au début à un débarquement à Ho Chi Minh ville, une ascension de la face nord à mains nues, un truc hors de portée quoi. Mais là, Obé prend les choses en main à notre (déjà) énième « on fait quoi ?» et nous propose de nous occuper des antipasti : à nous de nous lancer dans le lamellage de courgettes « Euh, ça te va cette longueur ? » « Euh, t’aurais pas un vrai épluche légumes ? » « euh, d’accord j’arrête de tourner je ne fais qu’un seul côté et toujours le même » « euh, faut les garder les pépins ? ».

Maintenant corvée de patates, on s’assied dans le salon, on papote, on rigole, on se moque, on fume une clope, on boit un café, c’est trop sympa et convivial de faire la cuisine en fait. Mais là, c’est le drame, poivrons et aubergines au four, Obé nous dit « allez le temps que ça cuise, vous allez faire les pâtes » MDR, LOL, XPTDR, ahaha. Merde, elle ne rigole pas, on va faire les pâtes ? Genre le truc qu’on achète en rouleau et qu’on dépose au fond du plat à tarte (d’ailleurs encore merci pour ce plat à tarte de ouf !) on va le faire ? Bon ben…Après avoir dû m’y reprendre à plusieurs fois, la balance est enfin tarée (heureusement que le chat de Pou est au régime et que nous avons dû nous équiper de cet outil pâtissier) on pèse au gramme près (sauf que cocazéro ben elle fait du à peu près « madame, je veux pas balancer mais je croyais que la pâtisserie c’était hyper strict ? ») et là, on amalgame et on malaxe. Vas-y que je suis sur la pâte brisée et Cocazéro sur la sablée, tain, ça fait les muscles ce truc, on mélange, on espère que la texture est bonne, on ajoute un peu d’eau et on se retrouve avec deux boules appétissantes. De vraies boules de pâte manufacturées avec amour et détermination. On se met un peu de farine sur le nez pour les photos et on continue. Les poivrons sortis du four sont à éplucher et une seule d’entre nous ayant pensé à ignifuger ses doigts, ben les deux autres attaquent respectivement l’appareil à gâteaux au chocolat et le caviar d’aubergine.

Je me rends compte que je range tout le temps, tout et que je fais la vaisselle dès qu’il y a plus de deux ustensiles dans l’évier. Les filles me traquent, je ne vois vraiment pas pourquoi.

Ensuite ce sont les oignons qui accueillent à bras ouverts les épinards pour les faire fondre de plaisir. Le fromage de chèvre s’allonge sur eux et ce qu’il se passe ensuite ne nous regarde plus. Patates en poêle, confit d’oignon en cours de confitage, légumes en plein marinage, choux fleurs en découpage, tarte en cours de cuisage, gâteaux en levage, farce à brick en rissolage, les odeurs se bousculent dans la cuisine et le salon, les goûts se faufilent entre nos papilles pour y déposer quelques instants de bonheur à venir, et on rit, qu’est-ce qu’on rit. Vers 19h, nos nerfs ont déjà lâché 10 fois, certains plats ont failli être aromatisés à nos larmes de joie, ça fait 5h qu’on cuisine, 5h, oui, oui, et j’ai mal aux pieds, je suis claquée, je ne dis quasiment plus que des  âneries, je vois que les filles craquent aussi (faute d’autorisation, je ne vous montrerai que MA déchéance, mais je vous jure qu’elels aussi étaient au bout de leurs rouleaux), c’est dur, il aurait fallu nous prévenir que ça nécessitait une sacré forme physique. J’ai l’impression d’être passée sous un rouleau compresseur, sans la douleur (quoique). Mais l’heure arrive où tout est posé sur la table, tout est beau, tout sent bon, tout donne envie mais on est crevées, on n’a plus faim. Allez les filles, on peut le faire. On doit le faire. On ne peut pas craquer là. Et on le fait.

Tous les mots qui me viennent (ne sont pas dérisoires) sont sexuels. Mes papilles sont devenus des  zones érogènes, des vraies, des qui donnent des idées orgasmiques, nos voix se modifient, se sensualisent, la nourriture s’immisce en nous comme autant de sources de plaisir physique, je pourrais faire l’amour à ce poivron jaune, je sens que ce bouquet de chou-fleur a des intentions inavouables, la tarte aux pommes voudrais que je lui tombe dedans, la tarte au chèvre et ses épinards nous chauffent comme la braise, même le caviar d’aubergine over aillé a décidé de nous tenter et de faire exploser nos gustatives au sens propre là). Cocazéro et Obé se rapprochent physiquement à grands coups de gratouilles (elles expliqueront si elles veulent, ça ne nous regarde pas !). Bref on prend nos pieds grave. Même Pou qui n’a pas cette fierté du selfmade a les yeux qui roulent et la langue qui racle tout ce qui dépasse. C’est chaud. Bref, sa mère sarasse comment c’est bon !  

Je vous passe les discussions pendant le repas, le road trip jusqu’au Transilien, le film d’horreur jusqu’à la station-service à 1h du mat, sur la réserve, le concert à trois voix dans la voiture et le retour de motivation vers 1h30 histoire de ranger tout ce qui restait dans la cuisine, nettoyer le four, la vaisselle, la gazinière et tout ce qui dépasse. « Nan, je ne suis pas une psychopathe. C’est Pou qu’en fout pas une, alors ch’uis obligée ».

Mes mots sont trop faibles pour vous dire à quel point : j’ai passé une bonne journée délire, j’ai bien mangé et il reste de nourriture dans mon frigo étonné. En tout cas, la prochaine fois on fait tout ce qu’on a dû laisser de côté faute d’avoir suffisamment de bouches à nourrir: crêpes, risotto, muffins au fromage ! Merci les filles.

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[Fificlap]

ah tiens, je viens de retrouver le bloc notes...