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Journal d'une femme enfant
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22 mars 2016

Le virus qui ronge

DSC_0289Jeudi 10 mars. Demain, l’infection sera active dans mon corps.

Pou sait qu’il n’y a pas d’antidote contre ça et que malgré tout l’amour qu’il me porte il ne peut pas lutter contre mes 40 ans. Cette année, le virus a fait de nombreuses victimes autour de nous, des gens biens, d’autres moins. Des amies qu’on avait crues plus fortes que ça, des potes qui ne semblaient même pas infectés, mais le gouvernement l’a confirmé : l’épidémie ne fait que s’étendre.

Ce que j’ai trouvé super beau, c’est le fait que certains amis, immunisés ou pas encore contaminés restent à mes côtés et avancent avec moi comme s’il ne m’arrivait rien. En même temps, Pou est contaminé depuis plusieurs années et nous a montré qu’on peut très bien vivre infecté. Bon, ceci dit, il m’a vachement contaminée et il n’est pas en forme tous les jours. Bref, ne cherchons pas à savoir à qui la faute (bien que je soupçonne un truc génétique et mes parents pourraient très bien être à l’origine de ma quarantaine, mon frère semble atteint aussi. Mais bon, c’est pareil, trouver un coupable ne permet pas de trouver une solution) je suis infectée : j’ai eu 40 ans.

DSC_0260Le vendredi soir, après que je l’ai eu annoncé à mes collègues de travail (nous avons la chance d’être assez ouverts et honnêtes les uns envers les autres, ils ont assez bien accepté la situation, certains ont même avoués avoir aussi été infectés par la quarantaine plusieurs années auparavant, d’autres connaissent des gens pour qui ça se passe plutôt très bien), Pou est venu me chercher à la sortie du boulot et m’a emmenée là où je pensais qu’il finirait par me trainer : un sanatorium. Nous avons roulé près de deux heures pour arriver en pays Jeanne d’arcois (à Rouen quoi) et dans un silence assourdissant, j’ai vu mes 39 premières années dérouler dans ma tête, le rire était majoritaire. Je ne savais pas s’il le resterait après minuit, date à laquelle j’aurais officiellement basculé, mais j’avais toujours bon espoir, j’en ai vu d’autres y arriver.

A destination, je n’en menais pas large, des infectés partout. Ma mère tout d‘abord qui essayait de se camoufler derrière une petite innocente de même pas 3 ans, mon père, mon Pou, qui ne peuvent plus le nier, certains ayant même attrapé la version aigue : cinquantaine et soixantaine. Le week end précédent j’avais vu ma grand-mère, nonagénaire passé, donc je sais qu’on peut être atteint longtemps, mais ça fait mal tout de même.

IMG_5820Cocazéro et Loubs étaient là aussi. Tout récemment contaminés, ils avaient l’air normal et jovial. Mais je les connais bien et j’ai su déceler dans leurs yeux la tristesse de me voir également atteinte. Le pire c‘était Rourou, je sais bien qu’elle était là pour moi mais on a appris il y a peu qu’elle a le virus en elle et qu’il devrait se manifester bientôt. Pour se camoufler, elle est venue avec de la chair jeune, son mari et leur fils. Parfois je trouve ça triste qu’elle joue encore à la gamine comme ça, on sait nous quel âge elle a. Et il y avait les compatissants, ceux dont je vous parlais tantôt (oh mon dieu, tantôt, je parle comme les anciens...). Je ne sais pas si seul leur amour pour moi les a fait bouger ou si quelque part, au fond d’eux, sachant que le virus n’est plus stoppable, ils voulaient savoir comment ça faisait, si c’est douloureux ou si on peut contrecarrer le sort, mais Juju, Poney et ponette ainsi que mon frère et ma belle sœur, à peine atteints de trentenite (même si celle-ci commence à devenir aigue), n’ont pas eu peur de venir, eux-aussi accompagnés de leur sang frais totalisant moins de 20 ans à eux 4 (les sang frais hein, les parents eux….). Au début on parlait peu, on s’observait. On s’est embrassés. On a dû manger parce que les corps d’enfants avaient besoin de se nourrir et à table pour à table, on a défoncé les apéros.

DSC_0291On a bu pour faire passer tout ça. On a bu pour oublier. On a bu pour ne pas pleurer. On a bu pour envisager un avenir moins malheureux que celui que nous pensions être le notre passé le 40è anniversaire : loin des douleurs de dos, des levages pour pipi nocturnes, des insomnies de stress, des envies de s’acheter une nouvelle grosse voiture, des démons de midi. Nous avons envisagé un avenir radieux (les fous que nous sommes) rythmé par les rires et les joies, par les étapes franchies par les enfants  Et on a bu (je crois l’avoir déjà dit) à notre avenir parce qu’à ce moment là, l’alcool aidant, 40 ans c’était tout à fait envisageable. On allait y arriver, allez, les gars on va au lit, demain sera un autre jour et on sera forts et on vivra jeune longtemps.

1457958460024Et puis la vérité nous a rattrapés. Plus que la vérité ce sont les enfants qui nous ont mis face à notre vérité (enfants qui nous ont tout de même bien rappelé que nous ne jouions plus dans la même catégorie que nos amis vingtenaires) en appuyant bien sur leur faible besoin de sommeil, leur existence vivace et permanente, leur vision du monde assez manichéenne (pourquoi ça réfléchit pas plus un gnome ? C’est relou parfois : le ciel est bleu parce que l’eau des nuages est dedans et pi c’est tout) leur nécessité de jouer et leur discrétion toute relative.IMG_3771Et là, on a vu la différence.

Nous ne faisons clairement pas partie du même groupe. Notre sang n’est plus pur depuis nos 40 ans, notre sang ne nous permet pas d’être kids friendly dès le réveil. Non, il faut un pallier de décompression. Un moment où on sa cache pour boire un candyup sans mini gens. Un moment où on fait de la tyrolienne entre adultes. Un moment ou pensant que ton dernier anniversaire est proche, tes amis t’écrivent une chanson et te la chantent d'une seule voix. TOUS ! Un moment où tu n’as tellement plus de filtre que tu te présentes en pyjama, pas lavée, crevée et mal démaquillée de la veille sous les yeux de l’assemblée qui t’offre tes cadeaux. Un moment ou la maladie qui nous ronge prend le dessus : je suis adulte et je vieillis. Et y’a la sieste. La notre hein, les enfants ond irait que ça dort jamais ou alors jamais bien longtemps. Et quand on se réveille on va mieux et du coup, on boit.IMG_5750 A force de boire on fait griller des steacks sur un barbecue improvisé, on lèche des gâteaux en se croyant seski, on joue au quiz comme si sa vie en dépendait, on éclate Pou au flipper parce que « tu vas bien fermer ton clapet hein maintenant le vieux ???? » et on boit pour fêter ça. On boit pour accompagner la nourriture, pour s’hydrater dès que le soleil apparait, pour éteindre le feu qui brûle en nous, pour compenser la perte de quelques larmes de joie parce qu’on a une famille et des amis formidables avec tous nos défauts partagés et là, l’évidence s’impose. La solution est dans le bouchon !

IMG_5771La vérité n’est pas ailleurs, elle est dans le verre de liqueur ! La jeunesse se contente de Ricqles, la vieillerie a besoin d’eau de vie ! Fait peter la Teq’ et le Malibu et malade nous ne seront jamais plus ! 40 ans n’est pas incurable il faut juste compenser la perte aqueuse et s’alcooliser ! Nous sommes sauvés !

Par le pouvoir du crâne en cestral (je vous avais déjà avoué que je croyais que c’était une matière, le cestral, quand j’étais enfant ?), nous détenons la force toute puissante ! In vino jeunesse estas ! (C’est de l’espéranto à ma façon, comme dans top chef, genre petite revisite).

Les gars, venez, je vous invite dans le club des 40 ans et plus, je n’ai plus peur de rien (sauf de dormir peu ou sur un lit un peu trop dur parce qu’ensuite j’ai des courbatures partout mais là, c‘est différent), venez, ça fait pas mal (sauf un peu quand tu dois faire défiler une demie page de date pour trouver ton année de naissance) et puis ça s’oublie facilement hein !

J’ai adoré avoir 40 ans, à chaque fois que je les ai célébrés et j’ai hâte d’en avoir 50, 60, 70, 80 et même 90 ! Pi si à chaque fois la solution c’est la picole, je sais qu’on va célébrer ça longtemps et je sais avec qui…

En fait je vous souhaite à tous d’être bien contaminés ! Merci.

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