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Journal d'une femme enfant
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8 avril 2020

Rahan, fils de Crao

Oh mon dieu l’ami, ce confinement détruit tout doucement ma famille par ses branches les plus hautes : je te raconterai le reste de ma journée type plus tard, je dois d’abord de te narrer la vie de mes parents, cette chute inéluctable qui semble être désormais la leur..

 Mes parents sont confinés ensembles, après 45 ans de mariage, deux enfants et 25 ans de carrière durant laquelle l’un des deux était souvent en déplacement..bref, une occasion presque idéale de sombrer dans l’épouticide (non genré tu le remarqueras). Ils ont l’avantage de l’espace de vie et des pièces de décompression potentielle et surtout un beau balcon, qui, en outre est devenu un havre de calme, nettoyé des nuisances sonores automobiles grâce au confinement.

Bref, ces deux personnes bientôt âgées (ils vont jeter un œil à un moment ou un autre sur ce post.. on s’comprend) ont besoin de leur espace extérieur : ils y élèvent des herbes aromatiques, y prennent le soleil, s’y ressourcent en vue magnifique sur la méditerranée, y étendent leur linge, je les soupçonne également d’y entasser quelques merdouilles qui ne rentrent plus dans la cave (bondée par mon frère, mais bon, ça c’est un autre sujet, on sait où vont leur préférence), j’imagine enfin que ce balcon doit certainement être un salon de discussion avec els voisins immédiats.

Mais tout à l’heure, alors que je prenais des nouvelles de mes aïeux par le biais de l’accessoire téléphonique, mon père a voulu me faire écouter le quasi silence qui remplace désormais le bruit des embouteillages, sous leur balcon.

Et là, c’est la chute. Alors que d’une main il tenait son téléphone, de l’autre il actionnait le bouton de remontage du volet afin de se mouvoir, tel un danseur de limbo professionnel mais le silence se fit pesant. « Papa ? » « Merde le volet est bloqué » « Ah ben passe par l’autre coté » « l’autre est déjà bloqué et on avait rdv pour changer le moteur après le confinement » « … pas d’bol alors ceci dit ca va faire long 3 ans et demi dans le noir ..» et là, après un nouveau petit silence, j’ai entendu, physiquement entendu je te promets, la bête s’emparer de mon paternel. Il a intégré que son confinement allait se dérouler confiné DANS l’appart. Qu’il ne verrait plus la lueur du soleil pendant plusieurs semaines, qu’il lui faudrait passer ses moments devant la télé en mode furtif, caché dans le noir, seul sur son canapé. Il a visualisé ma mère entrer pour le chercher, s’inquiéter de sa disparition « ben oui, il ne peut pas être là volets fermés » et avoir une attaque en voyant sa masse bouger sur le sofa..et pour toutes ces raisons il a su qu’il était de son devoir de trouver une solution « Non mais ca va aller Minnie (Minnie c’est moi), je peux sortir à 4 pattes ».

Mais moi, je suis à 800km. Et à 800 km ce que j’ai vu c’est mon père cul nu en culotte de peau de bête, les jambes arquées de n’avoir apprivoisé la station debout que récemment, se glisser dans l’entrée de sa grotte, ma mère par les cheveux à son poignet. Il passe sous le volet coincé, se râpant le dos en râlant. Il arrive dans son antre balconesque, il jette ma mère à ses pieds pour qu’elle cueille le basilic necessaire à l’accompagnement de sa pitance dinatoriale. Et là il se rend compte qu’il n’a pas de steak de mammouth en stock. Le Neandertal en lui reprend le dessus, à nouveau, dans un bruit de genou (rouillé) il se baisse, passe à 4 pattes le volet récalcitrant (dans lequel il collerait bien un coup de massue s’il en avait une) et part chasser sa pitance. Faisant toujours fi de son absence de massue, il s’équipe de ses plus beaux atours : il chausse aux mains deux étuis protecteurs face à la maladie vicieuse qui rode dans les rues, certainement deux petites peaux d’écureuils dépecés ou des peaux de mappa, une race plus meconnue mais tout aussi importante.

Il sort de sa tanière, affronte le monde extérieur, courageux mais conscient du danger, il change de trottoir à la vue de deux adolescents en train de faire leur footing, truffe au vent, gouttelettes apparentes, ah, on a beau dire, l’instinct de survie originel c’est quelque chose…. Par l’odeur du steak convoité alléché, il se remet en route, nez en l’air, effluves sanguinolentes dans le ligne de reniflage. Et c’est tout naturellement qu’il se retrouve devant Bernard le boucher, il attrape son sachet du bout des bras, malgré la distanciation sociale imposée, le chasseur aura réussi à ramener le butin à la femme, qui, exceptionnellement lui proposera de chauffer le bout de viande sanglant pour tenter d’améliorer la digestion du demi animal (faut pas deconner, elle le pratique depuis longtemps l’animal, l’autre hein, pas celui qui grille dans la poêle).

Bon ben du coup, je me suis dit qu’il fallait vraiment qu’il fasse réparer son volet parce que moi, j’allais angoisser de le voir retomber à l’âge de pierre..et j’ai reçu un texto quelques minutes plus tard « ayé, volet de droite remonté » …Pfiouff..on a eu chaud..

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Commentaires
P
pour rassurer tout le monde .... les 2 volets se sont remis à fonctionner . et pour eviter tout litige dans lea cuisson de la viande ... j'ai acheté chez Bernard un poulet roti
Répondre
L
Je pleure encore en imaginant mon beau-frêre préféré tirant ma frangine par les cheveux (elle mérite et j'aurai du le faire moi-même quand nous étions jeunes ^^
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  • Écrire, faire vivre de vraies ou fausses "histoires vécues", vous faire rire, sourire et réagir, assumer mon désir d'écriture et ma folie des mots. Voilà ce que je souhaite obtenir par le biais de ce blog. Et si en plus ça me permet d'être reconnue...
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