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Journal d'une femme enfant
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18 janvier 2015

Godzilla des bords de Marne

Ben moi, j’ai trop failli mourir ce week end. Samedi matin, alors que le soleil brillait bellement, je décide d’aller faire mon petit footing, des fois qu’il fasse moche le dimanche et que je ne sois pas en capacité de trouver assez de volonté. Le frigo étant vide, je me munis de ma carte bleue (c’est pas vraiment ça qui va peser dans ma poche et me déséquilibrer) et programme un passage par chez le légumier à côté de la maison au retour, histoire de subvenir aux besoins d’affamitude de mon foyer. Pif pouf, enfilage de sweat, suréquipage de Kway (ouais, c’est pas parce que ça brille que ça chauffe le truc jaune dans le ciel), vérifications d’usage et go, me voilà en route.

Petits mouvements brataux dans les escaliers histoire de chauffer les articulations, descente au petit trot, passage par les poubelles pour jeter nos déchets triés et c’est parti. Dans ma tête, la journée s’annonce bonne. Si on était dans un film français, les gens me souriraient, les petits vieux me salueraient de la casquette, je ferais coucou de la main à tous les voisins (sauf ceux du dessus, faut pas déconner, mais ce serait eux qui auraient des têtes de méchants voisins que personne n’aimerait) et les enfants arrêteraient de pleurer sur mon passage, le tout illustré de pepiements oisillonesques et d’une ritournelle joyeuse. Vous voyez l’idée.

Pfou pfou tchiii (respiration de coureur), je descends assez aisément vers les bords de Marne à foulée régulière 10458671_10152452964308376_967856463311273841_net raisonnablement rapide. Mais quand va-t-elle frôler la fin vous demandez vous ! Et ben, t’attend, si j’avais juste voulu te raconter les choses simplement, on n’en serait pas là.

J’arrive sur les rives, je vois enfin mon point de retournement en ligne de mire. Je ferais bien une pause là, mais j’arrive à me forcer à aller jusqu’au but. Je fais un tour de parc en marchant tout en effectuant quelques mouvements du haut du corps, je cherche sans réussite du regard la famille de ragondins qui vit dans le coin, avec Jojo (prononcer Chocho), le papa, souvent en train de faire la planche dans l’eau, truffe alerte et museau relevé et Go, chemin retour. Je descends sur la promenade à ras de l’eau et je rentre chez moi. Après quelques foulées dans les escaliers, me voilà sur le ponton, le soleil passe encore entre les branches et c’est franchement une belle journée. Je regarde au sol et là, c’est le drame. Dans les fourrés de droite, du mouvement. Je suis trop avancée pour faire demi tour, les fourrés bougent encore et, tel un lapinou dans les phares d’une voiture, je sens mon corps se tétaniser mais dans ma lancée, je n’arrive pas à m’arrêter (ouais, c’est ça, je suis devenue une machine). Une bête ignoble, poilue, les yeux rouges injectés de sang et les crocs acérés se jette sur moi. Elle cherche ma carotide. J’esquive, lui colle un gros coup de poing sur la nuque et prends mes jambes à mon cou mais c’était sans compter sur l’acharnement de l’animal, elle n’est pas restée tapie, comme ça dans l’ombre m’attendant, pour se contenter d’un échec. Un peu sonnée par le coup qu’elle vient d’encaisser, la bête prend son élan et effectue une rotation corporelle à 360 me fouettant les chevilles de sa queue velue et disproportionnée. J’arrive à coincer son appendice dans ma main et à faire tournoyer l’animal au-dessus de ma tête mais le mouvement m’entraîne dangereusement vers les eaux devenus troubles du fleuve en furie. Des vagues de plusieurs mètres s’écrasent sur le ponton (heureusement que j’ai mon Kway, sinon, je serais trempée), les éléments se déchainent et je profite d’un coup de tonnerre déchirant qui détourne quelques instants l’attention de la bête pour agripper sa gorge soudain vulnérable et lui maintenir la tête sous l’eau jusqu’à ce que son gros corps monstrueux ne soit plus secoué de spasmes et gagne une quiétude éternelle.

Malgré mon tendon d’Achille (du coup, vous comprendrez que je l’appelle mon tendon de Moi et pas d’Achille parce que s’il était à Zavatta, ben il ne serait pas dans MON corps, je trouve que cette manière de s’approprier comme ça le554346_10151352343008376_1073378940_ns tendons des autres, c’est un peu dégueulasse et cavalier (cavalier pour un clown qui bosse dans un cirque avec des chevaux, y’a même des preuves irréfutables d’usurpation tendonesque) mais comme personne n’a jamais rien dit ben, voilà, moi j’ose faire entendre ma voix, et bon, on parlera peut être une autre fois, si ça vous tente de la pomme d’Adam, déjà, pourquoi pas d’Eve, genre mariés sous le régime de la séparation des biens, belle mentalité... pi a priori c’est elle qui l’a mangée la pomme, c’est bien qu’à l’origine avant qu’il ne se dise « ce qui est à toi est à moi » ben c’est elle qui aurait dû l’avoir, mais bon, je crois que je me suis un peu égarée), malgré quelques petites douleurs dues à la lutte, je reprends le cours de mon entraînement et continue le yogging jusqu’à la sortie de la promenade à raz de l’eau (cette fois-ci je mets un Z à ras/z parce que je n'arrive pas à choisir). Là, je vérifie que je n’ai pas été suivie et me permets une pause justifiée mais qui sera fatale à ma motivation. Soulagée de n’avoir laissé sur place qu’une toute petite touffe de cheveux et une partie de ma dignité, je continue en marchant vite mon parcours jusqu’à l’échoppe du légumier (en marchant vers chez le marchant en fait, jolie rime riche). Je m’équipe de courgettes, tomates, ananas, poireaux et autres clémentines et rentre à la maison. Pou sent bien que quelque chose s’est passé mais il comprend à ma respiration plus saccadée et rapide que d’habitude qu’il vaut mieux me laisser lui raconter l’horrible vérité lorsque je ser10169281_10152286296528376_551945487991048569_nai prête.

Je mets les légumes au frais, je dépose mes vétements souillés dans la machine et vais laver mon adrénaline et mon humiliation d’avoir failli me laisser avoir par une bête, toute surentrainée soit elle, sous une eau chaude et délassante. Je vais mieux et Pou le voit « alors, ça s’est bien passé ? » « ouais, j’ai marché au retour, mais en fait y’a une souris qu’est sortie de derrière les buissons et j’ai eu peur alors j’ai pilé et comme j’étais sur le ponton humide, je me suis un peu tordu la cheville et j’ai failli tomber dans l’eau. Du coup, ça m’a calmée et j’ai eu la flemme de m’y remettre. Spour ça que je suis rentrée en marchant ».

Je vois dans ses yeux qu’il admire avec quelle décence j’ai raconté cette histoire en la rendant banale, pour ne pas le faire culpabiliser de ne pas avoir été à mes côtés lorsque le pire a failli arriver. Je sais qu’il sait. Nous n’en parlerons plus jamais.

 

 

 

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